Pourquoi ce site

Le scénario de ce court-métrage a remporté le concours du Moulin d'Andé, la bourse Beaumarchais et bénéficie d'une enveloppe de départ d'environ 12000 euros pour un futur producteur.
Ce site propose tout ce qu'une note d'intention et un synopsis sur papier ne pourraient apporter.
Si jamais vous souhaitiez passer aux choses sérieuses immédiatement, je vous invite à lire la note d'intention et le synopsis.

mardi 19 janvier 2010

Note d'intention

En 2006, je travaille sur les témoignages d'anciens prisonniers politiques chiliens passés par le tristement célèbre centre de détention et de torture de Colonia Dignidad. Si la Colonia Dignidad ressemble à un laboratoire où l'on aurait cultivé les pires horreurs du 20ème siècle, je me suis demandé quels étaient les maux qui aujourd'hui, après plus 30 ans, s'étaient insinués dans notre société contemporaine ? Avec Bandeau Sexy, je me suis donc intéressé à ces prolongements, sournois et tragiques, qui alimentent notre actualité sans même qu'on s'en rende compte.
Que reste-t-il donc d'un passé qui aurait laissé des marques qu'on pourrait croire indélébiles. Parfois rien justement. Au Chili, l'exigence d'oubli transforme parfois le passé en tabou pour une grande majorité. Il reste toujours une poignée de combattants, de mères, d'anciens prisonniers, prêt à élever la voix. Il y a bien des procès, mais trop de crimes restent impunis. Il y a enfin toute une frange intangible de sensations, d'expériences, de frustrations, de jugements, de comportements qui viennent se fondre dans un quotidien banal et parfois tragique.
La matière cinématographique de Bandeau Sexy se compose ainsi de trois événements, trois situations authentiques, empreintes ineffables de la vie social et politique d'un pays et que j'ai choisi de réunir dans ma narration :

- Un homme délaisse ses idéaux au profit de nouveaux, cherche une fortune construite sur une démocratie renaissante et passe d'un bord du spectre politique à l'autre jusqu'à renier ses convictions initiales.
- D'anciens tortionnaires se "suicident" à la veille de leur procès. Une partie de l'opinion publique se demande s'il ne s'agit pas d'assassinats masqués organisés par des groupuscules d'extrême droite ou gauche.
- Un ancien bourreau termine ses vieux jours en France sans être inquiété ni par son passé, ni par la justice et jouissant, dit-on, de la qualité de consultant pour les gouvernements en place.
J'ai alors travaillé ces motifs dans un récit qui viendrait organiser ces trois trames et dont la logique est la suivante : "un homme d'affaire discute de tractations mafieuses dans sa grande villa lorsqu'un ancien tortionnaire, se croyant la cible d'un complot, décide de rendre justice et d'exécuter celui qui fut son ancienne victime".

Ce scénario, je l'ai imaginé à la croisée des genres, politique, policier, documentaire et expérimental. Un film ou de longs plans séquences exatiques croiseraient des split-screens en flash-backs photographiques et parasites ; ou des plans tels des coups de feu s'échafauderaient sur une chanson de gestes. Mes influences, je les ai trouvées autant chez Giuseppe de Santis que chez William Friedkin, dans les films de yakuzas de Kinji Fukasaku et Seijun Suzuki ou encore chez Peckinpah, Sollima ou Tsui Hark. Mais j'imagine aussi ce film comme la prolongation naturelle d'œuvres telles que L'Aveu, État de Siège, I comme Icare ou Conversation secrète.
Dans cette histoire, c'est le mystère qui m'intéresse, autant celui du bourreau que de la victime, du lien qui les relie inexorablement et que nous ne pouvons pas comprendre, dont nous n'avons pas l'expérience. Mais le cinéma est là pour ça à mon avis, affirmer son point de vue, donner son interprétation et raconter, imaginer, filmer, pour tenter de comprendre et de donner à comprendre. Gilles Deleuze se demandait si la littérature pouvait nous dispenser de l'expérience, affirmant que la question était de grande importance. Je souhaite poser cette même question par les moyens du cinéma.